La grande église du XIe siècle

Fenêtre de la première travée de la nef (bas-côtés sud, XIe siècle). © Inventaire Général, ADAGP. Cliché R. Choplain
Fenêtre de la première travée de la nef (bas-côtés sud, XIe siècle). © Inventaire Général, ADAGP. Cliché R. Choplain
Intérieur du narthex (XIe siècle). © Inventaire Général, ADAGP. Cliché R. Choplain
Intérieur du narthex (XIe siècle). © Inventaire Général, ADAGP. Cliché R. Choplain

L’église du XIe siècle était un bel et vaste édifice, que soulignaient des détails décoratifs délicats, ainsi qu’une sculpture magnifique dont l’iconographie s’harmonisait avec la liturgie. Il est très probable qu’une polychromie venait rehausser l’éclat des sculptures des chapiteaux. L'église fut construite en une seule campagne, la même équipe de sculpteurs ayant décoré le chœur et le narthex [1]. Ce fut donc un grand chantier mené rapidement par une même équipe. L’église semble avoir été bâtie dans le 3e quart du XIe siècle (vers 1060 ?), ou même plus anciennement. Sont conservés le narthex, mais également la nef, ses bas-côtés et le transept [2] : seul le chevet a disparu.


Structure

La nef de trois travées, flanquée de bas-côtés et précédée d’un vaste vestibule ou narthex [3] formé de trois vaisseaux parallèles, se terminait à l’est par un transept non saillant. Comme un nombre appréciable d’édifices du XIe siècle (pourtant de grande qualité) le plan au sol n’avait pas de régularité dès l’origine : le narthex était trapézoïdal, le bas-côté nord de l’église beaucoup plus large que celui situé au sud, et la première travée de la nef plus étroite que les deux suivantes. Sous le narthex se trouve une crypte du XIe siècle ou même plus ancienne. Il se pourrait aussi qu’une crypte semi-enterrée carolingienne ou mérovingienne ait trouvé place sous l’autel majeur, fortement surélevé.

Les bas-côtés de la nef et du narthex étaient voûtés en berceau plein cintre ; la nef et le narthex étaient charpentés [4]. L’éclairage de l’édifice était assuré par d’étroites et hautes fenêtres en plein cintre aux niveaux bas (bas-côtés, narthex et transept [5]). De plus larges fenêtres éclairaient les niveaux supérieurs [6]. Une porte à l’usage des laïcs était percée dans la troisième travée de la nef, une autre permettait d’accéder au narthex depuis les bâtiments abbatiaux au sud. Deux contreforts épaulaient les pignons de la nef et du transept nord ; deux autres encadraient la porte de façade du narthex.


Effets décoratifs

De menus détails dénotent le soin apporté à la construction, lui donnant un aspect sobre et raffiné. Le moyen appareil de grès met en valeur l’ossature d’une construction en moellons calcaires, sans doute enduite à l’origine. Corniches et minces larmiers soulignent les structures horizontales de l’édifice, les baies et la partie supérieure des contreforts, à l’intérieur comme à l’extérieur. Les six fenêtres conservées sont toutes bordées extérieurement d’un léger chanfrein. La seule grande fenêtre visible aujourd’hui est flanquée intérieurement de deux colonnettes [7]. Les artistes à l’œuvre ont ici décliné tout un vocabulaire géométrique et animal sur les corniches, les modillons, les impostes, les corbeaux, ainsi que sur les tailloirs et les bases des chapiteaux sculptés : tores, billettes, pointes de diamant, chevrons, écailles, torsades, moulures, damiers, masques humains et animaux, losanges.

En vert, les parties de l’église du XIe siècle. © M.-E. Bruel
En vert, les parties de l’église du XIe siècle. © M.-E. Bruel

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[1] On distingue l’intervention de deux sculpteurs, l’un ayant travaillé semble-t-il au chœur et au narthex, l’autre au narthex seulement.
[2] Le tout remanié au cours des siècles. L’édifice a été très restauré au XIXe siècle, mais l’état antérieur est assez bien connu par des photographies, des gravures, des dessins et les vestiges lapidaires déposés.
[3] A l’origine, narthex et nef n’étaient pas séparés par un mur, mais communiquaient directement. Grand porche précédant l'entrée d'une église romane. Le terme utilisé par les auteurs médiévaux était « galilée ». A l'origine, le narthex avait une fonction d'accueil. Il avait « surtout un caractère transitionnel comme lieu de passage du fidèle et des processions» (A. Dierkens, page 501). Réservé aux catéchumènes, il servait aussi d'abri de nuit pour les pèlerins. A Saint-Menoux comme ailleurs, ces fonctions disparurent au cours des temps. Le narthex avait aussi souvent une fonction funéraire, fonction qu'il conserva à Saint-Menoux jusqu'à la Révolution.[4] Les corniches et corbeaux du narthex servaient à soutenir la charpente (E. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné…, t. IV, article « corbeau »).
[5] Subsistent celles de la première travée de la nef et de la façade du narthex (ouest).
[6] Conservées sur les pignons du narthex et de la nef (murée).
[7] Le tailloir de la colonnette gauche est moderne. La base de la colonnette de droite est moderne.

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