Les grands ducs de Bourbon
L’ascension de la dynastie va se poursuivre tout au long des XIVe et XVe siècles. Louis 1er (1310-1342) prépare l’annexion du Forez et du Beaujolais. Son fils, Pierre 1er (1342-1356) est tué à la bataille de Poitiers : entre temps le royaume est entré en guerre et de nombreux Bourbonnais vont payer de leur vie leur engagement. Le fils de Pierre 1er est Louis II, « le bon duc Loys » (1356-1410). Louis II est resté l’une des plus grandes figures de la lignée. Son principat voit les Etats de Bourbon s’agrandir de la châtellenie de Thiers, du Forez et du Beaujolais ; par ailleurs le duc prépare l’annexion de l’Auvergne. Prudent et sage dans sa politique, Louis II s’attache à administrer au mieux ses domaines : le duché comprenant déjà un conseil et des offices de lieutenant-général, sénéchal, chancelier et trésorier, il crée en 1374 la chambre des comptes. A la mort de Charles V, en 1380, Louis II participe au « gouvernement des oncles ». Sa politique ne peut cependant empêcher le routier Robert Knowles d’écumer le Bourbonnais. Du reste, si le pays est relativement maintenu à l’écart du conflit franco-anglais, il n’en est pas moins la proie des pillards tels le routier Rodrigue de Villandrando ou, plus tard, les bandes armées des Ecorcheurs.
Jean 1er succède à Louis II en 1410. Le pays va bientôt connaître l’une des périodes les plus sombres de la guerre de Cent Ans avec la défaite d’Azincourt en 1415 et toutes ses conséquences. Jean 1er participe d’ailleurs à la bataille et il y est fait prisonnier : il meurt en captivité en Angleterre en 1434. Dans l’intervalle, le rattachement de l’Auvergne est devenu réalité. Charles 1er (1434-1456) succède à son père. Par son mariage avec Agnès de Bourgogne, sœur du duc Philippe le Bon, il œuvre au rapprochement entre les Armagnac-Orléans et les Anglo-Bourguignons. Il est d’ailleurs l’un des négociateurs, en 1435, du traité d’Arras qui scelle la paix pour un temps entre la royauté et la maison de Bourgogne. En 1440, toutefois, Charles 1er devient l’un des chefs, avec le dauphin Louis, de la révolte de la Praguerie dirigée contre Charles VII ; le roi attaque alors ses Etats et le force à signer la paix à Cusset. A Charles 1er succède son fils Jean II (1456-1488) qui participe en 1465 à la guerre du Bien public avec le comte de Charolais – le future Charles le Téméraire – et le duc de Berry ; Louis XI réplique à l’attaque en occupant Montluçon et Saint-Pourçain. Jean II meurt en 1488 sans enfant, après avoir été fait connétable de France. Son frère cadet, le cardinal archevêque de Lyon Charles de Bourbon, renonce très vite au duché, abandonnant ses droits au troisième frère, Pierre de Beaujeu.
Pierre II (1488-1503) a épousé en 1474 la fille de Louis XI, Anne de France. A la mort de Louis XI, il exerce donc avec elle la régence du royaume. A son avènement comme duc de Bourbon, ses Etats se sont encore agrandis des terres d’Anne de France et ils constituent une puissance considérable. Pierre II fait publier en 1500 les coutumes du Bourbonnais. A sa mort, Anne de France s’attache à administrer ses Etats. Le couple a eu une fille, Suzanne, que l’on marie à son cousin, Charles de Bourbon-Montpensier, qui devient le dernier duc de Bourbon, le connétable de Bourbon. Le duché en est arrivé à son apogée : il comprend alors le Bourbonnais et l’Auvergne, le Forez et le Beaujolais et d’autres terres plus lointaines comme Carlat et Murat (aujourd’hui chef-lieu de canton du Cantal) ou encore Gien. Les fastes de la cour de Moulins, par ailleurs, brillent de tout leur éclat. Désireux de poursuivre l’œuvre d’unification du royaume, François 1er va chercher dès lors toutes les occasions possibles pour réunir les Etats de Bourbon au domaine royal. Prenant prétexte de problèmes d’ordre successoral pour affronter le connétable, il fait tant et si bien que ce dernier fuit ses Etats pour s’exiler en terre d’Empire. Après avoir combattu à Pavie contre le roi, Charles de Bourbon meurt en 1527 au siège de Rome ; ses biens sont alors confisqués et les possessions ducales réunies à la couronne en 1531.
La fin du Moyen Age est une époque faste pour le Bourbonnais, relativement à l’écart du grand conflit franco-anglais. Lettres et arts en témoignent avec éloquence. Si le Bourbonnais semble n’avoir guère goûté le gothique rayonnant, il n’en est pas de même du style flamboyant. Nombreuses en effet sont les chapelles flamboyantes accolées aux églises romanes ; de même, Souvigny connaît une campagne de reconstruction dans le courant du XVe siècle et les débuts de l’édification de la collégiale de Moulins datent du principat de Jean II. Dans le même temps, le Bourbonnais voit construire de nombreux manoirs où la décoration le dispute avec bonheur à un semblant de fortification ; ailleurs, ce sont d’anciens châteaux forts qui sont modifiés au goût du jour. A la même époque, de très grands artistes travaillent aux vitraux de la collégiale de Moulins.
C’est le mécénat des ducs de Bourbon qui fait sans doute le plus pour cette floraison des lettres et des arts. Dès le principat de Charles 1er on voit sculpteurs et musiciens à la cour de Moulins. Ainsi l’imagier Jacques Maurel est-il appelé par le duc pour travailler aux gisants de Souvigny ; le musicien Ockeghem vient également à la cour des ducs où sa présence est attestée vers 1450. Sous Jean II, ce sont Michel Colombe et Jean de Rouen qui travaillent à leurs sculptures en Bourbonnais. Au temps de Pierre II et d’Anne de France, ce sont les poètes Jean Lemaire de Belges et Jean Marot – le père de Clément – qui séjournent à Moulins, de même que le sculpteur Jean de Chartres ; le maître de Moulins, attesté à la cour ducale, peint alors le célèbre triptyque tandis que l’on termine les travaux de la collégiale et que l’on entreprend la construction de la partie Renaissance du château.
De cette politique de mécénat, le Bourbonnais nous offre çà et là le témoignage : le polyptique de Jean de Montluçon ou saint Luc peignant la Vierge de Colin de Coter comptent parmi nos plus belles œuvres peintes. Dans la statuaire, on pense d’abord à la sainte Madeleine de Montluçon mais saurait-on passer sous silence les statues d’Yzeure ou la mise au tombeau de Moulins ? Enfin, si le poète Henri Baude était assurément Bourbonnais, peut-on clore ce chapitre sans une allusion à François Villon dont l’ascendance locale est fort vraisemblable ?
(extraits actualisés de l’ouvrage de M. Maréchal, Guide des Archives de l’Allier, Yzeure, 1991, 510 pages)