La Révolution à Saint-Menoux

La profanation des caveaux à la lueur du clair de lune (A. Allier, L’Ancien Bourbonnais…). © A. D. Allier
La profanation des caveaux à la lueur du clair de lune (A. Allier, L’Ancien Bourbonnais…). © A. D. Allier

Déjà sur le déclin à la fin du XVIIIe siècle, l’abbaye est entièrement détruite à la Révolution (1793). Ne sont conservés que les bâtiments utiles à la commune et aux paysans : ceux à usage agricole, et l’église, vaste salle de réunion. Le bourg prend le nom de Mailly-sur-Rose. En 1792, l’ensemble des objets et du mobilier, et notamment de la vaisselle liturgique, est dispersé et le saccage de l’abbaye commence. Partie intégrante de l’histoire de Saint-Menoux, cette destruction méthodique est partout visible dans l’église et dans le périmètre de l’ancienne abbaye : blasons grattés ou découpés, croix arrachées, visages de personnages saints martelés ou têtes décapitées [1].

Deux épisodes célèbres, qui émurent jusqu’au directoire du district de Moulins, valent la peine d’être rapportés : la destruction totale de l’abbaye par l’ancien curé du village, et la profanation des caveaux des abbesses par le maire Blondin.

Le 14 janvier 1793, Fallier, ancien curé de la paroisse, achète l’abbaye et en commence la démolition systématique. Malgré les délibérations et les enquêtes sur place d’un des membres du directoire, constatant « que le citoyen Fallier… détruisoit le gage de la chose publique et pouvoit sinon l’anéantir, au moins en réduire singulièrement la valeur… », rien ne put arrêter l’ancien curé. Son action destructrice, dont on devine qu’elle était mue par quelque envie ou ressentiment, entraîna la disparition quasi-totale des bâtiments abbatiaux.

Peu avant le 25 janvier 1793, Blondin et ses acolytes profanent les tombeaux des abbesses situés dans la crypte du narthex pour en vendre le plomb. Ils agissent par simple intérêt. Un procès s’ensuivit, et le maire et ses complices, jugés pour profanation de sépulture, furent démis de leurs fonctions.

Texte d’illustration : extrait du procès relatif à l’enlèvement des cercueils de plomb de l’église de Saint-Menoux (1793)

« Vu par nous, administrateurs, le procès verbal du conseil de la commune de Saint Menoux du 25 janvier dernier, ensemble la dénonciation faite audit sindic du même district suivant le procès verbal de ce jour, attendu que dudit procès verbal du 25 janvier dernier, il résulte que dans le lieu accoutumé des sépultures des ci devant abbesses dudit S. Menoux, il a été fait enlèvement de cinq cercueils en plomb, lesquels après avoir été extraits du caveau ont été déposés dans la cour du citoyen Blondin, ensuite portés et vendus en cette ville, que le montant en a été partagé entre les citoyens Blondin, Hospitalier et Bonnejournée, que les citoyens Pessant et Condamine sont les seuls qui les ont portés en cette dite ville, et que Blondin maire les… attendu que ce crime est une profanation des choses les plus sacrées, contre laquelle dans tous les tems, chez tous les peuples comme parmi nous, les lois les plus sévères ont été prononcées… » (Archives départementales de l’Allier. Série L. Registre servant à la transcription des arrêtés et délibérations du Directoire du District de Moulins : L 627, f. 32 v°)

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[1] Armoiries grattées sur la pierre (maître-autel, base de la petite statue de saint Menou, tympan de la pharmacie du couvent, culs-de-lampe du cloître) ou découpées sur les tableaux (Saint Menou délivrant un noble breton, Saint Dominique et sainte Catherine de Sienne recevant le rosaire). Croix arrachées (fontaine de dévotion de saint Menou). Visages martelés et têtes décapitées (statues décapitées des saints Menou et Scholastique, de la petite statue de saint Menou, du Saint Jean Evangéliste et de la Sainte Anne, de l’Enfant Jésus, de la Vierge à l’Enfant, de tous les moines agenouillés en prière qui ornaient les stalles du chœur, visages martelés des apôtres, du Christ et de Menou sur la châsse du saint).

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