Qui était Menou ? / Première fondation d’un monastère d’hommes
Né en Irlande 1, Menou traverse la Manche depuis la Grande-Bretagne jusqu’en Armorique, probablement sous le règne de Childebert (511-558). Il suit en cela le trajet de nombreux prêtres, moines ou laïcs bretons et irlandais qui émigrent de la Grande-Bretagne (Pays de Galles, Devon, Cornwall) ou de l’Irlande vers le continent, aux Ve, VIe et VIIe siècles. En Armorique, Menou pourrait avoir rencontré saint Corentin, évêque ou abbé-évêque de la cité des Osismes, qui l’aurait consacré prêtre. A la mort de Corentin, Menou aurait été choisi par le peuple pour lui succéder.
Par la suite, Menou se rend à Rome pour discuter avec le pape de son peuple et des affaires liées à sa charge. Mais, sur le chemin du retour, il meurt en Berry dans un village appelé Mailly (aujourd’hui Saint-Menoux).
D’abord enterrée avec celles des pauvres dans le cimetière Saint-Germain, la dépouille de Menou est peu après transportée, par un homme puissant du nom d’Arcadius, sur le site actuel de l’église, où un premier édifice cultuel est vraisemblablement édifié. Dès cette époque une communauté d’hommes semble s’être formée autour des reliques de saint Menou et de l’un des ses disciples, saint Blaise.
Construits tout au bord de l’éminence qui dominait autrefois l’antique quartier Saint-Germain au nord-ouest et les zones humides de fontaines au sud-ouest, l’église et le monastère se trouvaient à flanc de colline dans leurs parties nord et ouest. Si les bâtiments les plus anciens aujourd’hui ne remontent qu’au XIe siècle, il est fort probable que des vestiges d’installations anciennes demeurent. Selon l’usage du temps, les reliques pouvaient être vénérées dans une crypte située sous le chœur.
Le sarcophage de saint Menou, qui contient encore les reliques du saint, se trouve actuellement dans le chœur de l’église de Saint-Menoux. Il s’agit d’un sarcophage mérovingien en grès qui a fait l’objet de divers aménagements au cours des siècles. Placé sur un socle soutenu par deux colonnes, il est pourvu d’une fenestella 2 à travers laquelle les fidèles passent rituellement la tête pour entrer en contact avec saint Menou et, plus spécifiquement, pour obtenir de lui la guérison des maladies mentales dont ils sont atteints. Le sarcophage est populairement appelé « débredinoire », car il est censé guérir les « bredins », mot du patois bourbonnais signifiant « simples d’esprit ».
Dans le narthex 3 de l’église est conservé un autre sarcophage aménagé pour le culte qui pourrait fort logiquement être celui de saint Blaise, disciple de saint Menou et deuxième patron de la paroisse. Ce sarcophage du haut Moyen Age, que l’on peut dater sensiblement de la même époque que celui de saint Menou, est également pourvu d’une fenestella, ainsi que d’un second trou plus petit, trou d’écoulement qui servait à recueillir les liquides (huile ou eau) sanctifiés par leur passage dans le sarcophage. Ces liquides étaient ensuite emportés comme reliques par les pèlerins.
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(1) Sur la vie de Menou, voir l'étude de Jean-Thomas Bruel, « Aux origines de l'abbaye de Saint-Menoux : saints et reliques (VIe-XIe siècles) », L'abbaye de Saint-Menoux, Art, Archéologie et Histoire, Société Bourbonnaise des Etudes Locales, Moulins, 2006.
(2) Littéralement, « petite fenêtre ». Petite baie percée dans un sarcophage, au moyen de laquelle on faisait toucher à la tombe d’un saint les linges appelés brandea, que l'on récupérait ensuite sanctifiés par ce contact sacré, pour être distribués comme de précieuses reliques. On pouvait aussi y faire couler des huiles, que l’on récupérait par un petit trou circulaire situé à l’opposé de la fenestella, et que l’on conservait dans des fioles qui prenaient à leur tour le statut sacré de reliques. Cette ouverture, qui était fermée le reste du temps, comprenait généralement une feuillure dans laquelle coulissait verticalement une plaque de fermeture (sarcophage présumé de Blaise à Saint-Menoux). Au tombeau de saint Lazare d’Autun, elle était en porphyre rouge. L’ouverture percée dans le sarcophage de Menou, sans doute au XIIe siècle lorsqu’il fut vidé de son contenu, est quant à elle légèrement différente : elle restait toujours ouverte, et les pèlerins y passaient la tête en un rite de passage destiné à les guérir. La fenestella pouvait aussi être une baie percée dans un caveau funéraire (fenestella confessionis) contenant un corps saint et permettant aux fidèles de contempler le tombeau, mais sans pouvoir entrer dans le caveau, contrairement à la crypte
(3) Grand porche précédant l'entrée d'une église romane. Le terme utilisé par les auteurs médiévaux était « galilée ». A l'origine, le narthex avait une fonction d'accueil. Il avait « surtout un caractère transitionnel comme lieu de passage du fidèle et des processions» (A. Dierkens, page 501). Réservé aux catéchumènes, il servait aussi d'abri de nuit pour les pèlerins. A Saint-Menoux comme ailleurs, ces fonctions disparurent au cours des temps. Le narthex avait aussi souvent une fonction funéraire, fonction qu'il conserva à Saint-Menoux jusqu'à la Révolution.