Thème associé : le culte des reliques durant le haut Moyen Age

Sarcophage supposé de saint Blaise avec sa fenestella (VIe siècle). © Inventaire Général, ADAGP. Cliché R. Choplain
Sarcophage supposé de saint Blaise avec sa fenestella (VIe siècle). © Inventaire Général, ADAGP. Cliché R. Choplain
Reliques de saint Menou, évêque de la cité des Osismes (début VIe siècle). © M.-E. Bruel
Reliques de saint Menou, évêque de la cité des Osismes (début VIe siècle). © M.-E. Bruel

Durant le haut Moyen Age occidental se développent le culte des reliques et les pèlerinages. On prêtait des vertus surnaturelles aux dépouilles mortelles d’hommes ou de femmes dont l’irréprochable vertu, la charité, les miracles étaient de notoriété publique. Ce furent d’abord des martyrs, puis des ascètes, évêques, abbés ou moines vertueux... En lien avec ce phénomène apparurent les premières rédactions de Vies de ces saints, souvent régionaux : outre leur vie, ces ouvrages relatent leurs miracles (in vita ou post mortem) mais aussi souvent la translation ou l’élévation (aussi nommée relèvement 1) de leurs reliques.

Dans ces périodes reculées, les procédures de canonisation n’étaient pas encore la prérogative exclusive de la papauté, et les évêques avaient tout pouvoir de faire rendre un culte public à un personnage dont les vertus et la sainteté avaient été reconnues localement.

L’église où l’on avait choisi de vénérer un défunt n’avait pas toujours été construite sur le lieu de sépulture initial de ce dernier : nombreuses étaient les translations de corps saints. Bien que le transfert des morts fût interdit selon le droit romain, et que l’Occident eût réaffirmé ce principe, il souffrait quelques exceptions. Il était notamment possible de changer le corps de place quand on souhaitait donner au saint une sépulture plus digne de lui : cette pratique se généralisa à partir du VIe siècle et c’est justement ce qui arriva à Menou 2.

Les restes des saints étaient alors ensevelis dans des sarcophages de pierre déposés dans une crypte, située au-dessous de l’autel qui se trouvait ainsi sanctifié. La construction de ces structures parfois complexes avait pour but d’exposer les corps dans des tombeaux en partie accessibles aux fidèles, les morts restant sous la terre, isolés des vivants. Sorte de dédoublement souterrain de l’église, la crypte pouvait comprendre une chapelle et des couloirs de circulation pour les pèlerins, comme à Saint-Germain d’Auxerre (IXe siècle). Ces derniers s’approchaient ainsi au plus près des reliques qu’ils venaient vénérer. Mais seuls certains avaient accès à la confession, endroit où se trouvait le sarcophage du saint et où des offices pouvaient être célébrés. Les pèlerins se contentaient d’apercevoir le sarcophage par de petites fenêtres closes de grilles donnant sur la confession, les fenestella 3 confessionis. Par l’intermédiaire d’une petite baie, que l’on nomme également fenestella en archéologie, il était possible de faire toucher des linges ou autres objets au sépulcre du saint. Ces objets une fois mis en contact avec la sépulture devenaient à leur tour des véritables reliques aux vertus tout aussi puissantes et étaient distribuées aux pèlerins.

Les cryptes avaient par ailleurs une fonction funéraire plus large. Certains privilégiés obtenaient le droit de se faire enterrer juste à côté du saint, dans l’espoir de le suivre plus facilement au Paradis. Leurs sarcophages allaient donc rejoindre le sien dans la crypte souterraine, qui se transformait alors progressivement en une petite nécropole.
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(1) Reconnaissance publique de la sainteté d'un personnage. Les restes du défunt sont exhumés pour être exposés, dans leur sarcophage ou dans des châsses et des reliquaires précieux, à la vénération des fidèles. A cette occasion, l'authenticité des reliques est affirmée (ou réaffirmée, comme ici) en grande solennité. A partir du XIe siècle, les corps saints, jadis vénérés dans une crypte, sont souvent élevés dans le chœur : c'est peut-être ce qui se passe à Mailly vers l'An Mil, sous l'égide de l'archevêque du diocèse.


(2) D’après Françoise Le Bas, « Le culte des reliques », CASAinfo, n°4 - Février 1986 (http://www.guidecasa.com). De manière générale, les documents suivants ont plus particulièrement servi à l’élaboration de cet article : Françoise Le Bas, op. cit. ; Noëlle Deflou-Leca, l’Abbaye Saint-Germain d’Auxerre (http://www.auxerre.culture.gouv.fr/) ; Patrick Henriet, Sainteté, dans Zink 2002 ; [Sans auteur], Dieu en son royaume / L’organisation de l’espace de la foi : Evangélisation et Pèlerinages (http://gallica.bnf.fr/dossiers/html/dossiers/VoyagesEnFrance/themes/Religieux.htm).

(3) Littéralement, « petite fenêtre ». Petite baie percée dans un sarcophage, au moyen de laquelle on faisait toucher à la tombe d’un saint les linges appelés brandea, que l'on récupérait ensuite sanctifiés par ce contact sacré, pour être distribués comme de précieuses reliques. On pouvait aussi y faire couler des huiles, que l’on récupérait par un petit trou circulaire situé à l’opposé de la fenestella, et que l’on conservait dans des fioles qui prenaient à leur tour le statut sacré de reliques. Cette ouverture, qui était fermée le reste du temps, comprenait généralement une feuillure dans laquelle coulissait verticalement une plaque de fermeture (sarcophage présumé de Blaise à Saint-Menoux). Au tombeau de saint Lazare d’Autun, elle était en porphyre rouge. L’ouverture percée dans le sarcophage de Menou, sans doute au XIIe siècle lorsqu’il fut vidé de son contenu, est quant à elle légèrement différente : elle restait toujours ouverte, et les pèlerins y passaient la tête en un rite de passage destiné à les guérir. La fenestella pouvait aussi être une baie percée dans un caveau funéraire (fenestella confessionis) contenant un corps saint et permettant aux fidèles de contempler le tombeau, mais sans pouvoir entrer dans le caveau, contrairement à la crypte.

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