5 - Démobilisation des morts*

*L'expression "démobilisation des morts" est notamment utilisée par Béatrix Pau, dans «Le Ballet des morts. Etat, armée, familles : s’occuper des corps de la Grande Guerre», Vuibert, 2016, 362 p.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53157264g
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ALLER SUR LES TOMBES

Une fois averties de la mort de leur proche, les familles cherchent à se rendre sur leurs tombes dans les zones du Front.

L'Etat essaie de faciliter ces déplacements, notamment en prenant en charge parfois les frais de billet de train.

Toutefois, la gratuité n'est pas automatique, les bénéficiaires doivent remplir plusieurs conditions...

Plusieurs circulaires sur le sujet ont été publiées en 1921 et 1922.

Les familles qui le peuvent font rapatrier les corps pour les inhumer dans le cimetière de la commune d'origine.

LE RAPATRIEMENT FUNERAIRE : UNE ORGANISATION METHODIQUE...

Alors que les hommes qui ont survécu à la guerre reviennent (lentement) dans leur foyer -voir la démobilisation des vivants-, nombre de familles en deuil se préparent à recevoir les dépouilles de ceux qui sont tombés.

Les familles les plus modestes n’ont pas toujours les moyens de payer le transport et la réinhumation de leurs proches. A l’instar des conseillers généraux de l’Allier Montusès et Constant,-voir le voeu du 4 mai 1920-, de nombreux élus locaux en France, demandent la prise en charge de ces frais par l’Etat.

Il faut attendre pour cela la loi du 31 juillet 1920.

Entre 1921 et 1923, 240 000 dépouilles furent exhumées et déplacées dans toute la France, pour être rendues aux parents, soit 30% des corps identifiés alors », selon Luc Capdevila et Danièle Voldman dans leur livre Nos morts, les sociétés occidentales face aux tués de la guerre, Paris , 2002, p 88-89.

Une logistique efficace permet d'organiser de véritables convois funéraires avec des trains spéciaux. A chaque arrivée en gare des listes nominatives des soldats morts sont établies pour chaque commune (voir ici le convoi du 24 mars 1921). Les maires sont chargés d'avertir les familles concernées -comme les Neuville à Moulins. A charge enfin pour ces dernières d'organiser des obsèques solennelles comme la famille Goetschy à Néris-les-Bains.

Les employés municipaux peuvent être sollicités pour les transports et les réinhumations. Parfois comme ici à Blomard, le service est rendu gratuitement.

le voeu du 4 mai 1920
le voeu du 4 mai 1920
le convoi du 24 mars 1921
le convoi du 24 mars 1921

René Goestschy de Néris-les-Bains

La famille du commandant René Goestschy-voir son parcours-, mort au combat le 18 juillet 1918 organise ses obsèques « définitives » le 2 novembre 1921 à Néris-les-Bains.

L’annonce se fait par voie de presse, ici le Centre du 30 octobre 1921. Idem pour la nécrologie parue dans le même journal le 8 novembre 1921.

Pierre Neuville de Moulins

Le 29 juin 1921, la famille Neuville est avisée par une lettre de la mairie de Moulins de l’arrivée prochaine den gare du corps de leur fils Pierre.

Ce convoi est d’ailleurs annoncé le même jour dans le journal Le Courrier de l’Allier.

François Mouragnon de Blomard

A Blomard, le maire ne demande pas au préfet le remboursement des frais de transport et de réinhumation d’un de ses administrés.

Le le délégué de la commune l'a transporté gratuitement "étant ami et voisin de la famille»

...MAIS AVEC QUELQUES ACCIDENTS DE PARCOURS

entre les retards d'autorisations pour les familles Chanudet et Dubois

Marien Chanudet ne parvient pas à obtenir l'autorisation du transfert du corps de son fils dans le cimetière de Sanssat (voir ci-dessous sa lettre au préfet, 01/07/1921). Quant au père de Valentin Dubois, de Lusigny, (voir la fiche ici), il pensait bénéficier de la loi du 31 juillet 1920 (voir sa lettre au préfet, 6/08/1921 ci-dessous) sensée assurer les familles de la prise en charge par l'Etat des transfert des corps des soldats...mais c’était sans compter les délais d’application!

et les pertes de cercueil pour les familles Nicolat et Brenon

Parfois certains cercueils acheminés par le train n’arrivent pas à destination dans les temps prévus.

Etienne Colas réclame au préfet le corps de son cousin Louis Nicolat non sans faire preuve d’humour grinçant…

« la Cie d’Orléans veut peut être le conserver comme souvenir »

Source : Lettre du 26/11/1921 d’Etienne Colas (cote : AD 03 3 R 16)

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