7 - Blessés psychiques : l'enjeu de la reconnaissance

La guerre n’a pas seulement meurtri et lacéré les chairs, elle a entaillé les âmes, elle a rendu fou

Le Naour Jean-Yves, Les soldats de la honte, Paris, Perrin, 2011.

L’historien Jean-Yves Le Naour[1] évalue à près de 100 000 hommes souffrant de blessures psychiques. Cela représente 2% des 4.3 millions de blessés.

Au sortir de la guerre, ces « mutilés du cerveau » souffrent d’un manque de reconnaissance. D’abord de la part de l’Etat car ils sont souvent classés comme « réformés n° 2 » alors que seuls les « réformés n°1 » peuvent espérer une pension grâce à une infirmité « imputable au service »[2] Ce sont alors les seules familles et les communes qui doivent assumer la charge financière de leur internement...non sans protestations (voir famille Barnabé et communes d’Ebreuil et de Chamblet) !

La loi du 31 mars 1919 va remédier en partie à cela mais pas pour tous.

Enfin ces malheureux semblent parfois également négligés par ceux qui devraient en prendre le plus grand soin, à savoir les médecins aliénistes. Le Dr Ricoux, directeur de l’asile départemental Sainte-Catherine prend la mouche quand une association de mutilés s’inquiète du sort des camarades internés.

[1] LE NAOUR Jean-Yves,, Les soldats de la honte, Paris, Perrin, 2011.

[2] DERRIEN Marie,. La tête en capilotade. Les soldats de la Grande Guerre internés dans les hôpitaux psychiatriques français

La difficulté d'obtenir une pension pour les traumatismes psychiques

En France, on estime qu’entre 1 et 2% des pensionnés obtiennent une reconnaissance au titre de blessures psychiques ou en tout cas déclarées comme telles. On retrouve cette proportion dans les décisions du tribunal des Pensions de Gannat après-guerre.

Les différences de statut de réformé

Il existe deux niveau de réforme : n° 1 et 2. Seuls les hommes "réformé n° 1" voient reconnaître leur maladie comme imputable au service et par conséquent ouvrant les droits pour une pension. Les réformés n°2 n'ont pas ce précieux sésame et doivent se battre longtemps parfois pour espérer l'obtenir.

Après une 1ère décision défavorable de la commission de réforme de la Seine de mai 1918, celle de Roanne d’octobre 1919 accorde à Nicolas Besson ce statut enviable de « réformé n°1 » avec 100% de taux d’invalidité. Entre les deux est passée la loi du 31 mars 1919 qui a peut-être contribué à cette amélioration.

Louis Popy n’aura pas cette chance, lui, car il sera décédé avant...

Louis Popy, montluçonnais d’origine, né en 1886, a été blessé le 3 janvier 1915 à la Louvière en Belgique.

Il est réformé n° 2, c’est-à-dire des suites de maladies non imputables au service.

Son registre matricule décrit une

« mélancolie anxieuse avec idées de persécution » et une « confusion mentale avec amnésie et idées de négation ».

Il est mort le 7 décembre 1918 à l’asile départemental Ste-Catherine à Yzeure.

Son acte de décès porte la mention en marge « Mort pour la France ».

Nicolas Besson, originaire de Montord, né en 1887, a été affecté à l‘artillerie.

En 1916, il est soupçonné de désertion pendant 3 jours au terme desquels il a réintégré sa batterie obtenant ainsi d’être « rayé des contrôles de la désertion ».

Il est réformé n° 2 -c’est-à-dire des suites de maladies non imputables au service-par une 1ère commission de réforme le 13 mai 1918.

Il est alors considéré comme atteint de « débilité mentale ».

Le 3 juin 1918 il est admis à l’asile départemental de l’Allier sainte-Catherine à Yzeure.

Le 30/10/1919, son taux d’invalidité est classé à 100% pour sa pension en raison de

« dégénérescence mentale (fatigues du service) »

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