NÉGRI Louis
Coulandon
Louis Negri (voir photo),plâtrier-peintre de Coulandon, est âgé de 26 ans au début de la Première Guerre mondiale, en août 1914. Son registre matricule nous donne un 1er aperçu de son parcours militaire. Il gravit les échelons : caporal le 23 septembre 1902 pendant ses classes, sergent le 4 septembre 1915 puis adjudant le 3 septembre 1916. Le 17 juillet 1916, il est cité une première fois à l’ordre de son régiment : « a assuré pendant toute la durée du bombardement la liaison constante entre la section de droite et la section du centre, partie complètement bouleversée par le bombardement ». Le 4 décembre 1916, il est cité de nouveau à l’ordre de son régiment : « Sergent très énergique et courageux. Commandait une section lors de l’attaque d’un ouvrage fortifié et a rallié le reste de sa compagnie en l’absence des officiers tués ou blessés ». (voir diplôme). Il est blessé à Coincy (Aisne) le 24 juillet 1918 à la jambe gauche par éclat d’obus. Il est évacué à l’Hôpital du Grand Palais à Paris puis est transféré dans d’autres hôpitaux à Avranches puis Ducey (Manche).
Il a été décoré de la Croix de guerre avec 1 étoile de bronze et 1 étoile d’argent ainsi que de la Médaille militaire en 1930
Grâce à ses deux carnets de note, certainement réécrits après les évènements, nous pouvons avoir ses impressions sur les évènements qu’il traverse. En voici quelques uns :
Le 1er août 1914, jour de la mobilisation générale
Louis Négri travaillait alors comme plâtrier-peintre à la réfection des plafonds à la caserne de Moulins, quartier Villars : « Il était 5 heures du soir quand le trompette de garde, embouchant sa clarinette, sonna l’alerte –aussitôt tout le monde en bas Vive la France ca y est. c’est la guerre, on les aura (…) je filais de suite à la maison rue Wagram. Ma femme, les voisines, les amis criants, pleurants surtout, et les embrassades (…)je retournai à la caserne avec mon équipe nous défimes les échafaudages et empilames les planches, persuadés que dans deux mois au plus nous reviendrions les remonter et faire les plafonds. Ben sur !»
Le décomptage des morts
Le 24 septembre 1914 c’est le « baptême du feu » sur le plateau de Nouvron (Aisne) : « le 1er tué en arrivant d’une balle perdue pas pour lui le pauvre »
Dans son second carnet, parmi les morts autour de lui, figure Emile Clermont, écrivain, auteur de Amour promis (1910) et de Laure (1913) mort le 5 mars 1916 « l’adjudant de bataillon Emile Clermont. Famille moulinoise écrivain de talent. tué à Maison-de-Champagne, en sortant de la tranchée décapité par un obus ». La famille maternelle d’Emile Clermont était originaire de Montaigu-le-Blin et non de Moulins.
La peur au ventre
Il décrit sans ambages les coliques provoquées par la peur : « J’ai eu les colombins bien souvent comme les copains mais j’ai eu la chance de m’en tirer sans blessures, mais pas sans totos ça grouillait dans les abris partout »
Les erreurs tragiques
Il évoque les accidents : d’abord les morts de chasseurs impénitents tués par leurs propre troupes : « en allant chercher un perdreau la nuit, il oublie de prévenir les sentinelles », puis les pilotes alliés abattus par méconnaissance : « c’était un avion anglais…nos officiers n’étaient pas connaisseurs…Interdiction de tirer mais des petits albums en couleurs furent distribués avec les silhouettes et la nationalité »
Les fusillés de Vingré voir notre rubrique
De ses camarades, dont certains étaient de l'Allier, exécutés pour l’exemple le 4 décembre 1914, il écrit : « on les a pris dans le tas pour l’exemple (…) le général Julien les a fait condamner à mort le salaud (…)J’ai eu la chance de ne pas assister à l’exécution étant en ligne mais les camarades disponibles durent y assister ».
Verdun
Fin mai 1916, il est envoyé à Verdun : « (…) les pertes sont graves, les cadavres jonchent le sol on ne peut plus les enterrer ; les tranchées sont comblées, les arbres sont déracines, hachés, c’est un enfer enfer et pas une seconde de répit du bombardement, on se demande souvent comment on ne vient pas fou»
La fin de la guerre
« Nous devons attaquer à Château-Salins [Moselle] nous étions prêts à partir quand l’armistice eut lieu. A nous la bonne soupe, la bombe la cuite etc. ensuite la vie fut belle, nous partimes Mayence, Worms, le palatinat. En billet de logement chez l’habitant (…)finalement démobilisé le 20 janvier 1919 à Mayence. On me proposait les ficelles de Ss Lieutenant pour aller faire campagne en Pologne. Je refusais net. Heureux de retrouver ma femme, ma mère, mon fils et mon vieux Moulins»